Par Richard Thibault, ABCP, Président de RTCOMM
Tous les dirigeants d’entreprise savent que la crise la mieux gérée est, dit-on, celle que l’on peut éviter. Mais il arrive que malgré tous nos efforts à cet effet, la crise frappe et souvent, très fort. À tous les jours, des organisations qui ont connu une vie paisible se retrouvent sous les projecteurs, ballotées par les médias. Dans toute situation de crise, l’objectif premier est d’en sortir le plus rapidement possible, avec le moins de dommages possibles, sans compromettre le développement futur de l’organisation. Voici sept leçons dont il faut s’inspirer en matière de communication de crise, sur laquelle on investit généralement 80% de nos efforts, et de notre budget, en de telles situations.
(1) Le choix du porte-parole
Les médias voudront tout savoir et seront d’excellents vecteurs par lesquels nous pourrons communiquer avec la population. Mais il faudra aussi communiquer avec l’ensemble de nos clientèles, internes et externes. Avoir un porte-parole crédible et bien formé est essentiel. Or, on ne s’improvise pas porte-parole, on apprend à le devenir. Surtout en situation de crise, alors que la tension est parfois extrême, l’organisation a besoin de quelqu’un de crédible et d’empathique à l’égard des victimes. Cette personne devra être en possession de tous ses moyens pour porter adéquatement son message et elle aura appris à éviter les pièges. Le choix de la plus haute autorité de l’organisation comme porte-parole en situation de crise n’est pas toujours une bonne idée. En crise, l’information dont vous disposez et sur laquelle vous baserez vos décisions sera changeante, contradictoire même, surtout au début. Risquer la crédibilité du chef de l’organisation dès le début de la crise peut être hasardeux. Comment le contredire ensuite sans nuire à son image et à la gestion de la crise elle-même ?
(2) S’excuser publiquement si l’on est en faute
S’excuser pour la crise que nous avons provoqué, tout au moins jusqu’à ce que notre responsabilité ait été officiellement dégagée, est une décision-clé de toute gestion de crise, surtout si notre responsabilité ne fait aucun doute et qu’elle est clairement démontrée par les faits entourant la crise. En de telles occasions, il ne faut pas tenter de défendre l’indéfendable. On a pu constater les impacts négatifs de cette stratégie utilisée par la FTQ, notamment impliquée dans une histoire d’intimidation sur les chantiers de la Côte-Nord, à une certaine époque. Et que dire d’Ed Burkhardt, le président de MMA, qui cherchait les coupables au lieu d’assumer ses responsabilités dans le déraillement de Lac-Mégantic. Règle générale : mieux vaut s’excuser, être transparent et faire preuve de réserve et de retenue jusqu’à ce que la situation ait été clarifiée.
(3) Être proactif
Le premier qui parlera va jouir d’une position avantageuse car il établira l’agenda et définira l’angle du message. Il évitera ainsi de se laisser définir par ses adversaires. On vous conseillera peut-être de ne pas parler aux journalistes. Je prétends pour ma part que si, légalement, vous n’êtes pas obligés de parler aux médias, eux, en contrepartie, pourront légalement parler de vous et ne se priveront pas d’aller voir même vos opposants pour s’alimenter. En août 2008, la canadienne Maple Leaf, compagnie basée à Toronto, subissait la pire crise de son histoire suite au décès et à la maladie de plusieurs de ses clients. Lorsque le lien entre la listériose et Maple Leaf a été confirmé, cette dernière a été prompte à réagir autant dans ses communications et son attitude face aux médias que dans sa gestion de la crise. La compagnie a très rapidement retiré des tablettes des supermarchés les produits incriminés. Elle a lancé une opération majeure de nettoyage, qu’elle a d’ailleurs fait au grand jour en invitant les médias comme témoins, et elle a offert son support aux victimes. D’ailleurs, la gestion des victimes est généralement le point le plus sensible d’une gestion de crise réussie.
(4) Régler le problème et dire comment
Dès les débuts de la crise, Maple Leaf s’est mise immédiatement au service de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, offrant sa collaboration active et entière pour déterminer la cause du problème. Dans le même secteur alimentaire, tout le contraire de ce qu’XL Foods a fait quelques années plus tard. Chez Maple Leaf, tout de suite, des experts reconnus ont été affectés à la recherche de solutions. On pouvait reprocher à la compagnie d’être à la source du problème, mais certainement pas de se trainer les pieds en voulant le régler. Encore une fois, en situation de crise, camoufler sa faute ou refuser de voir publiquement la réalité en face est décidément une stratégie à reléguer aux oubliettes. Plusieurs années auparavant, Tylenol avait montré la voie en retirant rapidement ses médicaments des tablettes et en faisant la promotion d’une nouvelle méthode d’emballage qui est devenue une méthode de référence aujourd’hui.
(5) Transmettre le bon message
Il est essentiel d’utiliser le bon message, au bon moment, avec le bon messager, diffusé par le bon moyen. Les premiers messages surtout sont importants. Ils serviront à exprimer notre empathie, à confirmer les faits et les actions entreprises, à expliquer le processus d’intervention que nous avons mis de l’avant, à affirmer notre désir d’agir et à dire où se procurer de plus amples informations, le cas échéant. Si la gestion des médias est névralgique, la gestion de l’information l’est tout autant. En situation de crise, on a souvent tendance à s’asseoir sur l’information et à ne la partager qu’à des cercles restreints, ou, au contraire, à inonder nos publics d’informations inutiles. Un juste milieu doit être trouvé entre ces deux stratégies sachant pertinemment que le message devra évoluer en même temps que la crise.
(6) Être conséquent et consistant
Même s’il évolue en fonction du stade de la crise, le message de base doit pourtant demeurer le même. Bien que de nouveaux éléments surgissent au fur et à mesure de l’évolution de la crise, le message de base, à savoir la mise en œuvre de mesures visant à assurer la santé et la sécurité du public et des employés, doit être constamment repris sur tous les tons. Ainsi, on se montre à la fois consistant, en respectant sa ligne de réaction initiale et conséquent, en restant en phase avec le développement de la situation.
(7) Être ouvert d’esprit
Dans toute situation de crise, une attitude d’ouverture s’avérera gagnante. Que ce soit avec les médias, les victimes, nos employés, nos partenaires ou les agences publiques de contrôle, un esprit obtus ne fera qu’envenimer la situation. Encore ici, comment ne pas se rappeler de la performance pitoyable d’Ed Burkhardt, le tristement célèbre président de MMA. D’autant plus qu’en situation de crise, ce n’est pas vraiment ce qui est arrivé qui compte mais bien ce que les gens pensent qui est arrivé. On est au royaume des perceptions et cette réalité transcende tout le reste. Il faut donc suivre l’actualité afin de pouvoir anticiper l’angle que choisiront les médias, eux qui compteront pour beaucoup dans la cristallisation de l’opinion publique, et s’y préparer en conséquence.
En conclusion
Dans une perspective de gestion de crise, il est essentiel de disposer d’un plan d’action au préalable, même s’il faut l’appliquer avec souplesse pour répondre à l’évolution de la situation. Lorsque la crise éclate, c’est le pire moment pour commencer à s’organiser. Tous les dirigeants se doivent d’établir une culture de gestion des risques et de gestion de crise dans leur organisation, avant que la crise ne frappe. Comme le dit le vieux sage:«Pour être prêt, faut se préparer !»