par Richard Thibault, président de RTCOMM
Lorsqu’on fait le bilan des crises survenues à l’été 2017, hormis la météo qui a grandement hypothéqué certaines récoltes de même que le moral des vacanciers, surtout en début de saison, la plupart des crises survenues cet été gravitent autour d’un seul nom : Donald Trump.
Chez nous, la crise du bois d’œuvre, celle qui a ébranlé nos producteurs laitiers, l’entrée massive des réfugiés haïtiens-américains, les manifestations antiracistes, et sur le plan mondial les tensions avec la Russie, l’Allemagne, l’Angleterre et plusieurs autres pays, l’escalade atomique avec la Corée du Nord, l’abandon de l’accord de Partenariat Transpacifique sur lequel le Canada misait beaucoup, la renégociation menaçante de l’Accord de libre-échange (ALENA), le plomb dans l’aile de l’Accord de Paris sur l’environnement et la débandade de la Maison-Blanche n’en sont que quelques-unes.
Oubliez Donald Trump et l’actualité des derniers mois aurait pu être un long fleuve tranquille. Rarement depuis le début du XXIe siècle un seul individu aura t-il réussi à perturber autant la planète. Et pas vraiment pour le mieux. Même chez lui, ce président en chute libre dans les sondages et voyant sa cote d’appui historiquement basse après six mois au pouvoir, n’aura pas réussi à livrer le minimum annoncé en campagne électorale et sa politique intérieure aura été aussi affligeante que son rayonnement international.
Je vais laisser aux sociologues, psychologues et autres spécialistes du comportement humain le soin d’analyser les raisons qui expliquent une telle instabilité de la part du président américain, mais d’un point de vue historique et de gestion de crise, il est assuré que Donald Trump aura marqué son époque. Avec l’instabilité, il faut également noter les déclarations « alternatives », pour ne pas parler carrément de mensonges. Dans un article publié à la fin du mois d’août, un peu plus de six mois après l’entrée en fonction du nouveau président américain, le Washington Post, qui fait un inventaire rigoureux des déclarations fausses ou trompeuses de Donald Trump, arrivait au nombre fantasmagorique de 1057 de ces déclarations. Même un militaire d’expérience comme John Kelly, le nouveau chef de cabinet de Donald Trump, ne parvient pas à reprendre le contrôle de la situation à la Maison-Blanche.
Le problème est tel qu’avec une incertitude aussi manifeste, le cabinet du premier ministre canadien vient d’annoncer la mise sur pied d’une cellule de crise extraordinaire pour réagir à d’éventuels dérapages du président américain dans le dossier des renégociations de l’accord de libre-échange avec les États-Unis. Ce dernier est essentiel à la bonne santé économique du Canada (et aussi des États-Unis, faut dire) et l’abandon des pans majeurs que Donald Trump menace d’abolir viendra provoquer un tsunami de conséquences souvent désastreuses pour bien des secteurs de l’économie canadienne.
Ce président qui s’imagine toujours en campagne électorale et qui se sent justifié de parler et d’agir uniquement pour faire plaisir à sa base, n’a pas le recul nécessaire pour jouer pleinement son rôle. Plusieurs fonctions cruciales sont toujours sans titulaire à différents échelons de l’administration, notamment à la Maison-Blanche, et plusieurs dossiers sont relayés au second plan pour privilégier les chimères de Donald Trump. Après huit mois à la tête de l’État, le bilan législatif du président fait honte, le Congrès est paralysé malgré une majorité républicaine dans les deux chambres et le navire américain semble s’en aller à vau-l’eau. La déroute est totale.
Si Trump s’était donné pour objectif de gouverner autrement, il l’aura atteint, mais pas pour le meilleur. Et pendant ce temps, alors que le président américain continue de claironner sur toutes les tribunes « America First », forts du nouveau credo nationaliste économique de leur président, ses émissaires rencontrent les nôtres dans ce qui apparaît déjà comme étant une gigantesque partie de bras de fer dans le dossier de la renégociation de l’ALENA. On aurait pu espérer que le départ de son principal conseiller stratégique, Steve Bannon, aurait amené Donald Trump à plus de souplesse avec un partenaire économique aussi appréciable que le Canada. Mais Trump a jusqu’ici tellement peu de succès dont il peut se vanter qu’il doit politiquement sortir gagnant des négociations en cours. Et cela ne veut pas dire que nous sortirons aussi gagnants.
La crise la mieux gérée est, dit-on, celle que l’on peut éviter. Décidément, cette nouvelle cellule de crise, comme un appendice du bureau du premier ministre Trudeau, est aussi bien de se préparer à la gérer. Je ne crois pas qu’on va l’éviter.