Le Stratège

« La loi, c’est la loi ! » - Séraphin Poudrier

La crise la mieux gérée est celle qu’on peut éviter, c’est le b.a.-ba de la gestion de crise. Tout entrepreneur avisé cherchera donc à anticiper les risques et les enjeux qui pourraient menacer son organisation, ou venir la perturber sans crier gare et contre lesquels il aura fait préparer un plan de match dans l’anticipation soit, de les éviter ou d’en réduire les impacts négatifs. Mais, comment agir contre des risques plus difficiles à prévoir ou indépendants de notre volonté, mais qui ont un potentiel important d’affecter nos activités ?

Parmi ceux-ci, il faut ranger les modifications législatives et réglementaires adoptées par les élus à tous les échelons de l’organisation publique, que ce soit au niveau local, régional, national ou international. Tous les jours, où que l’on fasse affaires sur la planète, des entreprises voient leur vie, jusque-là tranquille, être perturbée par des modifications aux lois et aux règlements régissant leurs activités.

Qui vous dit…

Vous avez décidé d’exploiter le commerce électronique comme outil de distribution de vos produits. Qui vous dit que le législateur du territoire où vous opérez n’exigera pas de vous de percevoir la taxe de vente locale ? Cela aura assurément un impact sur vos opérations, menaçant peut-être même le niveau de vos ventes. Qui vous dit qu’un État ne vous transformera pas en « police » vous forçant à embaucher du personnel supplémentaire pour mettre en œuvre de nouvelles exigences ? Qui vous dit qu’un gouvernement n’abolira pas le cadre protectionniste dans lequel vous opérez depuis toujours pour permettre la libre concurrence, provoquant une chute de vos revenus et compromettant vos profits ? Qui vous assure que vous, dirigeant d’une entreprise du secteur financier, n’aurez pas à gérer un changement imposé par les autorités financières à l’égard des caractéristiques d’un de vos produits financiers ? Toutes ces menaces ont de potentielles répercussions sur vos actionnaires ou investisseurs, vos opérations, votre marge de profit, voire votre viabilité.

L’univers est complexe !

Le risque législatif et réglementaire est celui d’un changement dans les lois et règlements qui peut avoir une incidence plus ou moins importante sur une de vos activités commerciales, sur votre entreprise, sur votre secteur ou encore sur l’ensemble du marché dans lequel vous œuvrez. Un changement, dans les lois ou les règlements, imposé par un gouvernement ou un organisme de réglementation peut avoir un impact majeur sur vos coûts d’exploitation, peut diminuer l’attrait de votre investissement, réduire la valeur de votre entreprise ou encore modifier le paysage concurrentiel.

Votre entreprise se développe dans un univers complexe, de plus en plus fortement réglementé. Dans cet univers, vous devez vous conformer à des exigences législatives et réglementaires en constante évolution qui viennent s’ajouter à vos obligations d’entrepreneur : respecter l’atteinte des objectifs de performance que vous vous êtes fixés ; soutenir la valeur de votre entreprise en protégeant votre image de marque, la réputation de votre organisation et celle de ses dirigeants. Bref, vous devez faire face aux demandes et aux attentes des investisseurs, des législateurs, des clients, des employés, des analystes, des consommateurs et de tous les autres intervenants-clés, tout en intégrant les activités et les contrôles commerciaux et les programmes de conformité, dont les coûts doivent être optimisés. Tout un programme !

Faut voir venir

Il n’est pas toujours facile d’anticiper ces modifications aux lois et règlements qui vont venir changer le cours de vos affaires. Pourtant, la vigilance demeure la clé qui permet de se préparer à ces changements affectant le contexte dans lequel votre organisation évolue. Faut voir venir ! Je concède que cela est plus facile à dire qu’à faire. Bien sûr, le recours à la veille stratégique et aux bons conseils de notre avocat sont indispensables. Toutefois, pour être encore plus efficaces, plusieurs entreprises utilisent deux stratégies qui ont fait leurs preuves.

D’abord, plusieurs entreprises décident d’adopter d’emblée les meilleures pratiques dans leur domaine d’activité, qu’elles soient ou non exigées dans le cadre législatif ou réglementaire actuel. Cette stratégie permet à votre entreprise d’évoluer dans un contexte de conformité avant qu’il ne lui soit imposé. Il se peut même qu’un tel comportement autorégulé rende inutiles des mesures plus contraignantes que le législateur se sentirait dans l’obligation d’imposer. Cette stratégie repose sur l’existence d’un plan de gestion des risques permettant non seulement d’identifier les menaces, mais d’identifier des solutions concrètes (pour contenir le risque) et un échéancier réaliste pour les implanter.

La deuxième stratégie implique le maintien d’une relation suivie avec les organismes de réglementation locaux, nationaux et internationaux, selon le milieu dans lequel votre entreprise évolue. De façon générale, les attitudes des gouvernements et des fonctionnaires sont basées sur leur connaissance d’une organisation. Par ailleurs, les gouvernements sont, par définition, influencés par l’opinion publique. Si les autorités sont convaincues que votre entreprise travaille toujours dans le respect de l’intérêt public, meilleure sera leur disposition à votre égard.

Cette deuxième stratégie se fonde sur un processus bilatéral. Il permet aux entreprises de se tenir au courant de la façon dont les législateurs et les régulateurs pensent, et d’anticiper les questions préoccupantes pour elles-mêmes. En contrepartie, vous avez la possibilité de veiller à ce que ces derniers se familiarisent avec votre contexte d’opération, et de les rassurer sur votre gestion proactive d’enjeux qui pourraient autrement nécessiter une modification législative ou réglementaire.

Naviguer entre les écueils de la réglementation – un défi

La gestion du risque réglementaire est donc basée sur la veille et l’anticipation. Il faut se tenir informés des tendances et des objets qui préoccupent nos législateurs, tout en s’assurant de les tenir informés du cadre dans lequel nous évoluons. Pour les gestionnaires de risques, naviguer à travers ces écueils représente un défi formidable, qui doit être relevé sans nuire à la tâche de surveillance et d’atténuation d’une multitude d’autres risques.

À cet égard, il est crucial qu’une approche de la gestion des risques soit intégrée à tous les niveaux de votre organisation. Tous ceux et celles qui peuvent contribuer à la gestion des risques à l’intérieur de votre organisation doivent être fédérés vers l’atteinte de cet objectif commun. Cette pratique peut aussi servir comme exercice de consolidation d’équipe. Dans ce monde où nous vivons, les risques sont de plus en plus interdépendants et il est essentiel que tous les artisans d’une organisation, quel que soit leur niveau d’implication, leur fonction ou leur secteur d’intervention, contribuent à la gestion des risques et des enjeux auxquels fait face votre entreprise.